Boulettes Magazine

Le magazine gourmand de découvertes
TOP
Interview de Christie Morreale (PS) la future première femme bourgmestre de Liège - Montage Boulettes Magazine

À table avec la (future) première bourgmestre de Liège

« Cuisiner quelqu’un », « faire passer à table »… Est-ce un hasard si le langage de la gastronomie assaisonne celui de l’entrevue d’expressions pour le moins imagées, ou bien la langue se délie-t-elle vraiment plus facilement quand on stimule le palais ? Pour en avoir le coeur net, on a décidé d’inaugurer un nouveau format d’entretien, histoire de voir ce que les personnalités principautaires ont dans le ventre. 

Si la politique est un théâtre, alors la saynète qui se joue lors de notre arrivée à La Cantinetta est un bon aperçu de tout ce que cela implique pour celles et ceux qui en sont acteurs. Rendez-vous est pris pour le repas inaugural de ce nouveau format où on invite des figures liégeoises d’envergure à passer à table. Et qui de mieux pour jouer les précurseuses que celle qui a déjà été annoncée par Willy Demeyer comme appelée à reprendre son mandat en cours de route, et donc devenir la première femme bourgmestre de Liège ?

Sauf que dans le cas de Christie Morreale, l’expression « agenda de ministre » n’est pas seulement une figure de style, et il a fallu par deux fois (dont une qui nous est imputable) repousser l’entretien. Or si la troisième fois, adage oblige, sera la bonne, il n’en va malheureusement pas de même pour la réservation, perdue dans les méandres des boîtes mails des uns et des autres. Comble de malchance, en ce midi ensoleillé de début de printemps, La Cantinetta affiche complet. Malaise. On négocie, on argumente, presque, on supplie, et puis l’élue PS et son chargé de communication arrivent et rideau : le scénario change. Soudain, une solution se profile, peut-être que si on demande à ce monsieur qui mange seul à une table de quatre de changer de place, voyez-vous ça, on pourra finalement s’asseoir.

Par sa simple présence (et la fonction qu’elle incarne) Christie Morreale en impose, mais loin d’en tirer le moindre plaisir, elle semble visiblement mal à l’aise à l’idée de bénéficier de passe-droit et note, non sans humour face au regard noir que lui lance le dîneur en libérant la table, que « ça y est, ma réputation est faite ». Comment ? Avant même qu’on ait pu la cuisiner ?

Pas si vite. Le décor est posé, nos questions, aussi aiguisées que nos appétits : à table !

Mises en bouche

Au coeur de Grivegnée, dans le quartier dit de la Bonne-Femme, La Cantinetta est une trattoria qui joue la carte de la bistronomie et propose des préparations soignées dans un cadre décontracté. Une cuisine de passion et d’inspiration, mais aussi et surtout une histoire de famille, celle de Francesca Esposito, originaire de Sicile, et Michel Giannuzzi, venu des Pouilles. Des enfants de mineurs qui se sont rencontrés à Liège et ont fondé au tournant du millénaire leur « petite cantine », une épicerie-restaurant alors dotée d’à peine deux tables où manger.

Près de trente ans plus tard, la maison rassemble aujourd’hui une solide communauté d’habitués qui s’y pressent, à midi et en soirée, pour profiter des formules (en 2, 3, 4 ou 5 services) préparées par Mathias et servies par Thomas, les deux fils Giannuzzi. Ce sont eux qui ont parachevé l’oeuvre parentale pour en faire l’adresse gourmande que l’on connaît, récompensée depuis plusieurs années déjà d’un bib gourmand au célèbre guide rouge. Une montée en gamme qui fait la fierté des patrons, qui n’oublient pas pour autant leurs racines, ainsi que le rappelle la vielle valise placée sur l’armoire à verres, seule possession de leur Nonno quand il a posé le pied en Belgique.

interview christie morreale bourgmestre liège la cantinetta

Une histoire de famille qui n’est pas sans rappeler celle de Christie Morreale, à qui on a laissé le soin de choisir le lieu de cette rencontre le temps d’un lunch partagé. Petite fille d’immigrés italiens venus travailler eux aussi dans les mines du côté de son père, elle égrène volontiers quelques souvenirs avec nous, tandis que l’on commande quatre Hugo sans alcool, une bouteille d’eau plate et la même d’eau pétillante. Des réminiscences d’un temps pas si lointain que l’on croyait pourtant révolu, mais que l’on voit aujourd’hui revenir au galop. Celui du rejet des immigrés, du racisme débridé et des préjugés. L’époque où l’on stigmatisait les Italiens, « des profiteurs », et où le père Morreale, Sicilien à la peau mate et au « faciès d’Arabe », se faisait systématiquement arrêter aux frontières.

Un temps où la jeune Christie déchantait au son de la comptine moqueuse « À la mutuelle, la vie est belle » entonnée dans la cour de récré, quand elle n’était pas confrontée aux panneaux « Interdit aux chiens et aux Italiens » qui persistaient à la fenêtre de certains cafés. Un vécu qui se mêle aux histoires de sa famille maternelle, des bateliers flamands installés du côté de Braasschaat, dans la banlieue cossue d’Anvers, où Christie Morreale a séjourné plusieurs semaines après sa rhéto pour parfaire son néerlandais, alors encore lacunaire.

interview christie morreale bourgmestre liège

Entre deux anecdotes fluviales et une histoire de jambe de bois, on partage avec gusto l’antipasti du jour, une croustillante focaccia généreusement habillée de copa.

Un prétexte pour notre invitée de nous challenger sur nos bonnes adresses, et savoir si nous connaissons L’Arche de Pain, la boulangerie de Daniel Arcadipane, « une super adresse » spécialisée dans la fourniture aux professionnels et à qui l’on doit le pain que l’on déguste. « Mais son meilleur, c’est le petit épeautre, que les particuliers peuvent trouver dans deux points de collecte dont Chez Lucienne, à Chênée. Par contre, il faut y passer après moi » sourit notre interlocutrice, pas prête à sacrifier sa miche hebdomadaire.

Une anecdote qui ne mange pas de pain? Plutôt une des nombreuses références pointues que nous distillera tout au long du repas l’élue PS. Une manière habile d’affirmer sa liègitude, récente mais convaincue.

Entrée (en politique)

Quand arrivent les entrées, de riantes ravioles ouvertes de betteraves garnies de ricotta fumée, olives taggiasche, basilic et balsamique blanc, l’assiette où contraste le rouge profond et le vert vif est un clin d’oeil comestible à la naissance de l’engagement de celle qui a un temps hésité à rejoindre les rangs d’Ecolo avant d’opter pour le PS.

Pour ce qui est des verres, on poursuit l’échange à l’eau, une constante durant le repas. Du patois de batelier, on vogue vers les dialectes flamands, et la cacophonie que cela peut générer quand tout le monde s’exprime dans des versions différentes d’une même langue. Quelque chose qu’on n’apprend pas vraiment sur les bancs d’école, où Christie Moreale a pourtant fait son entrée en politique…

Militante introduite dans l’appareil socialiste, c’est en effet à la sortie de ses études en criminologie que sa carrière prend le tournant qu’on lui connaît. Alors que fraîchement diplômée, elle se verrait bien intégrer l’IEV – l’Institut Émile Vandervelde, le think tank du PS – mais Laurette Onkelinx la contacte et lui demande de rejoindre son cabinet. Elle accepte, et trois jours plus tard, la voilà chez le Premier ministre Guy Verhofstadt, en intercabinet, pour suivre les dossiers justice et intérieure, en particulier la dépénalisation du cannabis. Et chacun d’y aller de sa propre langue (la règle, dans les plus hautes sphères de l’État) mais aussi et surtout, de son dialecte local autour de la table.

« J’ai pris des notes du vocabulaire que je ne comprenais pas, et tous les jours dans le train, j’étudiais les mots que j’avais découverts le jour-même« .

Un apprentissage sur le tas qui permet aujourd’hui à Christie Morreale d’être à l’aise en néerlandais, même si elle ne se va pas jusqu’à revendiquer tweetalig : « Je parle italien, je comprends l’espagnol et aussi le néerlandais bien sûr, et je le pratique ».

Quelques années après son entrée en politique, en 2003, Elio Di Rupo lui propose de devenir Vice-Présidente du Parti socialiste. Un poste qu’elle occupera près de dix ans avant de remplacer Paul Magnette, ministre empêché en 2011, comme sénatrice. Des positions stratégiques qu’enchaîne notre interlocutrice avant même d’avoir soufflé ses 40 bougies.

Une expérience qui explique probablement la grande maitrise de soi dont elle fait preuve. Avenante mais toujours en contrôle, elle mène la danse sans jamais pour autant donner l’impression de marcher sur les pieds de quiconque.

Chrisitie Morreale

Tout au long du repas, bien que notre interviewée ne balaie aucune question, elle répond toutefois à ce qu’elle veut, comme elle l’entend – quitte à rediriger habilement la conversation en cours de réponse.

Comme lorsque l’on aborde la grande refonte idéologique du Parti socialiste. Malgré les effets d’annonce dans la presse, elle semble assez nuancée sur le processus dans son ensemble. Qu’elle voit d’ailleurs surtout comme un exercice d’analyse et de dialogue, pas de branding et de marketing, ce qu’elle développe tout en sauçant son assiette avec la ciabatta aérienne de Daniel, servie délicieusement toastée à l’huile d’olive.

« Le nom, c’est du cosmétique. Le fond d’abord, la forme après ».

Et de préciser qu’il « y a besoin de se remettre en question quand on va dans l’opposition ; de réfléchir à la manière de transformer une difficulté en opportunité. C’est une occasion qu’il ne faut pas manquer car force est de constater que depuis plusieurs élections, le Parti socialiste a eu des reculs, et quand bien même il pèse encore à l’échelle de la Belgique on doit se remettre en question, notamment à l’échelle de l’Union européenne et du monde. La gauche s’y éclate et quand elle s’éclate elle sert les intérêts de la droite, et c’est ainsi que des forces populistes gagnent les élections et s’imposent partout« .

Une tendance à laquelle Liège échappe (pour le moment ?) et qui s’explique selon elle par la nature résistante, frondeuse et tolérante des Liégeois, souvent les premiers à se faire entendre et à s’organiser en lutte.

Lire aussi: Qui sont les Liégeois qui ont voté pour la N-VA

« Ce qui me marque à Liège, c’est la convivialité des gens, à quel point ils sont sympa. Il n’y a pas une fois où je marche dans la rue sans qu’on me dise bonjour, qu’on se connaisse ou non. La ville compte un nombre incroyable d’associations au mètre carré, avec des gens qui sont plein d’idées, et de créativité. Ce sont aussi des lieux de résistance, la culture est un espace de résistance« .

En ça, celle qui était domicilée à Esneux il y a encore peu incarne à merveille la nouvelle ville qui l’habite autant qu’elle y réside. « Alors ce pain ? Il est super bon, hein? » s’interroge-t-elle ainsi avec un enthousiasme communicatif, quand elle ne fait pas tout bonnement circuler son assiette de pasta e fagioli autour de la table, désireuse de partager ce plat typique au goût de réconfort et de nostalgie.

Malheureusement, s’il suffisait de bonhomie pour résoudre les défis contemporains de la gauche, ça se saurait.

« Alors qu’on a été le parti qui a apporté le plus de progrès en termes de droit des travailleurs, on est perçus aujourd’hui par une grande partie de la population comme des gens qui soutiennent l’inactivité et l’oisiveté. Ce qui n’est absolument pas conforme à notre ADN, ni à nos valeurs ».

« On doit comprendre ce qui a amené cela. Il y a sans doute des raisons exogènes, mais aussi des raisons endogènes. Il faut comprendre. Le PS s’est laissé entrainer, d’une manière ou d’une autre, dans une logique qui fait qu’on n’est plus reconnus comme ceux qui valorisons le travail et qui se battent pour que les gens puissent avoir une vie qui permet de concilier dignement vie de famille et vie professionnelle » rappelle la native d’Ougrée.

(Plat de) Résistance

Aux entrées succèdent les plats.

0n se laisse séduire par la joue de boeuf confite, servie avec une pressée de pommes de terre au romarin, une purée de chlorophylle et un jus de boeuf réduit. Christie Morreale opte elle pour la pasta e fagioli susmentionnée, un plat de pâtes et de fèves en sauce aussi appétissant que roboratif. L’occasion parfaite pour oser une question qui demande plus de mâche, et de lancer notre compagne de table sur la présence du PTB à Liège. Et si, selon elle, le PS doit s’en inquiéter.

« Moi j’ai une crainte, c’est le fascisme, qui a conduit à des millions de morts, qui a opposé des peuples et trouvé des boucs émissaires. Des Juifs, des migrants, des homosexuels. Des femmes, des opposants politiques – surtout des socialistes et des communistes – et des gens du voyage. Aujourd’hui, progressivement, ce langage se réimpose. Il y a des ministres qui font la promotion de livres transphobes ».

L’élue est lancée, on sent que le sujet lui tient à coeur. Et si elle ne répond pas vraiment à notre question, elle en profite toutefois pour condamner une certaine droite, celle qui attise la haine, oppresse les faibles et cherche à récupérer des voix (et des portes-voix) à l’extrême droite.

Quand à savoir pourquoi celle-ci est justement portée aux mues par les classes populaires qu’elle écrase, l’élue PS nous renvoie à la satire de Michel Murigia « Devenir fasciste, mode d’emploi« .

Nouvelle rasade d’eau pétillante. On la relance sur le PTB et plus précisément, sur la lecture qu’elle fait de l’accord communal à Liège, où le PS a fait le choix de partir avec le MR et les Engagés, contrairement à Mons ou à Forest où un front de gauche à été privilégié.

Une décision prise collectivement et à laquelle se rallie l’élue. « La réalité c’est que PS et MR étaient déjà ensemble et que le MR a progressé. Poursuivre dans cette voie, c’est ce qui était électoralement parlant le plus représentatif« .

Et cette décision fait d’autant plus de sens selon elle au vu du contexte compliqué que connait la ville.

« Le budget communal est un enjeu majeur de la législature, en raison de la charge des pensions sur les caisses de ville qui n’a pas de trajectoire claire sur ses finances à moyen terme. L’accord de majorité, c’est aussi une manière d’impliquer ceux qui détiennent les leviers à la région et au fédéral. Les solutions doivent venir de là. Il est donc légitime que les membres de ces majorités soient aussi les acteurs, pas de simples témoins passifs, de l’impossibilité d’un mécanisme équilibré sans aide de ces niveaux de pouvoir ».

Sur les matières communales, on sent la femme en confiance, comme si elle avait toujours fait partie du paysage ardent.

Il faut dire qu’avant d’arriver à Liège, il y a deux ans de ça, elle n’habitait pas bien loin, moins de 20 kilomètres pour être précis. Un saut de puce plus qu’un parachutage, la localité faisant de facto partie de la périphérie liégeoise.

« Avant les élections, j’habitais déjà partiellement à Liège dans un appartement, que je n’ai pas pris pour m’installer politiquement » confie celle qui a planté ses racines dans le quartier de Sainte-Marguerite, où le vert d’Esneux ne lui manque pas, loin de là. Non seulement parce qu’aujourd’hui, elle « fait tout à pied », mais aussi parce que depuis ses fenêtres, elle ne se contente pas d’entendre le chant des oiseaux mais s’amuse également à les reconnaître à l’aide d’une app, annonçant fièrement avoir déjà aperçu un pivert et un rouge-gorge dont l’apparition ne peut être que de bonne augure pour une héritière d’Émile Vandervelde.

« Après les élections régionales, on a constaté que j’avais assez largement été plébiscitée, raison pour laquelle je me suis ensuite impliquée politiquement à Liège. À la demande des socialistes liégeois, mais je voulais d’abord voir si les Liégeois m’adoptaient » poursuit-elle.

Un pari plus que réussi, puisqu’aux élections communales d’octobre, Christie Morreale a fait le deuxième meilleur score en termes de voix de préférence à l’échelle de la ville avec 5.227 bulletins (derrière Willy Demeyer qui totalise 8.425 voix de préférence et devant Gilles Foret, qui en comptabilise 5.140).

Mécaniquement, cela fait donc d’elle la Dauphine quand Willy Demeyer renoncera au poste de bourgmestre en cours de mandature, ainsi qu’il l’a déjà annoncé. Mais hors de question pour autant d’y voir une quelconque forme de faveur, ainsi que s’en défend la socialiste. « C‘est la loi, c’est tout« .

Dessert

Bon. Le meilleur pour la fin ?

Après plus d’une heure d’échanges à bâtons rompus sur l’égalité des chances, les déboires de la gauche et la dérive autoritaire des démocraties occidentales, on s’autorise un peu de légèreté et d’espoir, en abordant avec la future première bourgmestre de Liège sa vision du 4000.

Niveau douceur en revanche, on fait l’impasse sur le dessert du jour, un gâteau de polenta, lemon curd bergamote et citron vert avec espuma au citron et poudre de basilic au profit d’un café bien serré, histoire de respecter le timing fixé. L’occasion pour Christie Morreale de nous glisser une autre de ses adresses favorites à Liège « Vous connaissez 8grams rue de la Boucherie ? C’est très chouette ! On y trouve de l’excellent café et le patron super ».

Entre fin des grands chantiers et arrivée du tram, la ville serait-elle (enfin) à l’aube du jour nouveau qui la verra retrouver son lustre d’antan ?

« Je suis fière d’être Liégeoise. J’ai choisi d’y prendre un appartement en voyant les travaux sur les quais de Meuse, que je trouve magnifiques et où je vais volontiers courir, même si mon logement n’est pas à proximité immédiate. La ville s’est transformée et elle est belle. Liège est belle. Je n’aurais pas pensé dire ça il y a quinze ans ».

Et d’assurer être prête à « défendre cette ville coûte que coûte« . Parmi ses coups de coeur ? Le parc de la Boverie, les espaces culturels mais aussi le courage de celles et ceux qui ont pris des décisions fortes pour que la ville se dote d’un réseau de transport structurant ambitieux. Des choix réfléchis, légitimes et loins d’être mégalomanes argumente-t-elle – et tant pis pour les Cassandre.

« Il faut savoir qu’Anvers compte 120km de tram sur son territoire. Charleroi, 28km de metro. Liège… 11km de tram, c’est tout ! Il faut arrêter le bashing, arrêter de dire que les Liégeois sont des capricieux. La fierté d’une région se mesure à l’ambition qu’elle place dans ses villes. Ce sont elles qui sont les partenaires de son développement ».

Chrisitie Morreale

Et pour celle qui se dit « féministe avant d’être socialiste« , la priorité est aujourd’hui à l’attractivité.

Après deux décennies de chantiers, les Liégeois ont besoin de souffler. Le tourisme a retrouvé son niveau pré-COVID et l’intérêt des investisseurs pour la ville est toujours bien là. Il faut désormais rassembler les forces vives et les organiser autour d’un projet ambitieux. Ce qui veut dire en pratique ? « Il faut faire du marketing territorial, un travail que mène actuellement le GRE-Liège.

« Il faut analyser quelles sont nos forces et nos faiblesses, et bâtir là-dessus. C’est d’abord dire ce qu’on fait de bien à Liège, à quelle point notre ville est belle ».

On a la chance d’avoir un patrimoine exceptionnel pour lequel des gens se déplacent, des institutions européennes de top qualité telles que l’OPRL, l’Opéra et le Théâtre de Liège qui attirent des gens de partout en Europe et au-delà. Il faut rassembler les opérateurs culturels et l’horeca pour offrir une expérience attractive et stratégiquement positionnée« .

À entendre cette bonne vivante qui n’hésite pourtant pas à laisser refroidir son café pour défendre une idée, c’est comme si le plus dur était passé, et qu’il ne manquait aujourd’hui qu’une bonne dose de méthode Coué.

Mais suffit-il de regarder le verre à moitié plein pour qu’il finisse de se remplir ? « Non, tout n’est pas encore en place, mais le patrimoine culturel et architectural est là. Il faut se coordonner et s’organiser. Il faut aussi redescendre les étudiants au centre-ville. Mettre un terme au tout à la voiture« .

Et quand on la relance sur les incivilités, un thème récurent à Liège, la future bourgmestre se dit particulièrement touchée, en tant qu’élue mais aussi en tant que femme.

« Nuit et jour, chacun doit pouvoir sortir et rentrer de chez lui en toute sécurité. Un sentiment qui peut être amélioré par des aménagements publics tels que l’éclairage, des politiques de prévention et des politiques de répression. Liège n’échappe pas à la problématique de la drogue qui touche de nombreuses villes, et on sait qu’on a de nombreuses personnes qui sont malades en rue et polidépendantes qui ne rentrent dans aucune case. Il faut trouver des solutions pour les prendre en charge. Ce n’est pas digne de les laisser ainsi à la rue ».

Et Christie Morreale de nous renvoyer au film « Monstres de poussière« , diffusé en avant-première au Sauvenière dans le cadre du Festival Imagésanté, mettant en lumière la vie après la rue de deux anciens sans-abris liégeois. Un récit qui montre qu’il est possible d’en sortir, du moins en partie. Le choix de notre compagne de table de parler des toxicomanes comme de personnes malades n’est pas plus anodin que cette recommandation culturelle. Les mots ont leur importance, comme les histoires qu’on (se) raconte.

La rencontre arrive à son terme, on la clôt en abordant la question du genre en politique, et de ce qu’implique le fait d’être une femme dans un milieu qui reste dominé par les hommes.

« Ça reste un combat. Pour que ce soit naturel, il faut normer les choses, fixer des règles. J’y crois beaucoup, sinon ça ne fonctionne pas ».

On avait dit 12h30-14h00, mais on joue les prolongations. Le coup de fusil étant passé depuis un bon moment, Mathias, habituellement aux fourneaux, nous rejoint pour papoter, comparer les histoires de famille et nous parler de ses projets, dont Brutti, son food truck d’Italian Street Good.

la cantinetta liège

Au mur, le jeu de jambes d’un Triskèle invite à repartir vers la Sicile et à boucler la boucle, tandis qu’au fond de la cour intérieure, un couple de retraités fait les yeux doux à Christie Morreale, qu’ils ont reconnue depuis un bon moment déjà. Elle n’a peut être pas encore l’écharpe de bourgmestre, mais elle en a déjà l’habitus.

Tandis qu’on échange deux-trois infos pratiques avec le patron tout en réglant la note (c’est Boulettes qui invite, donc c’est Boulettes qui régale), Christie Morreale se lève et va parler avec les dîneurs, dont la curiosité bienveillante a été piquée par nos échanges. Il est 14h50.

la cantinetta liège

De la rencontre, on retiendra que celle qui « ne s’habille pas en rouge d’ordinaire » (« Je ne savais pas qu’on allait prendre des photos aujourd’hui » taquine-t-elle son attaché) est une femme qui a la tête sur les épaules.

Une Liégeoise convaincue mâtinée d’une socialiste pur jus, une vraie, de celles qui pensent macrostructure, réfléchissent comme Gramsci et citent l’Internationale. Une démocrate aussi, persuadée que si la majorité a des droits, elle a également des devoirs, et qu’elle ne peut s’imposer au détriment des minorités qu’il lui incombe de protéger. En conclusion, c’est une professionnelle de la politique, qui rappelle que le qualificatif peut aussi être un compliment, quand carrière et longévité sont construites sur des valeurs solides. Groupons-nous… Et demain ? C’est un autre jour, et à Liège, on le veut radieux.

Lire aussi :

Clément et Kathleen Jadot sont le genre de couple qui peut finir (et même commencer) les phrases de l'autre, mais parce que ça peut vite devenir pénible, ils mettent plutôt leur compatibilité au service de la rédaction commune d'articles. Ensemble, ils ont : un chien, un chat et un nombre incalculable de livres.