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Avis restaurant Quinze Liège DR Boulettes Magazine

La cuisine de Quinze prend par les sentiments

C’est à l’aube de 2025 que Yoann Jüngling, un épicurien tombé dans la marmite de l’Horeca quand il était petit, a ouvert à Liège XV, ou Quinze, donc, son restaurant de « cuisine de sens et de sentiments » installé boulevard de la Sauvenière. Une table où tout est intentionnel, et dont le chef réussit le pari de jouer dans la cour des grands malgré un espace aussi réduit que son équipe. 

Pourquoi on a adoré (et on se réjouit déjà d’y retourner) ?

  • Pour le délicieux rappel que l’on peut adopter une démarche locavore et engagée sans rien sacrifier niveau gourmandise – au contraire, même.
  • Pour l’ambiance conviviale et chill, à l’image du propriétaire, qui s’affaire dans sa cuisine ouverte sans faire le show pour autant.
  • Pour le cadre, où le bois et les couleurs chaudes contribuent à un supplément d’âme bienvenu.
  • Pour l’excellent rapport qualité-prix et la fluidité du service, particulièrement appréciable sur le temps de midi.
  • Pour le cocktail (avec ou sans alcool) La Garrigue, sublime, dont on compte bien extorquer la recette à Yoann.

Voilà pour la mise en bouche. Dépliez vos serviettes, on vous emmène avec nous à table pour un compte-rendu dans les moindres détails.

À commencer par les premières impressions, donc : d’emblée, on est à peine arrivés que déjà, on se sent bien. Le soleil de ce début de printemps radieux baigne l’espace d’un halo doré, qui complète à merveille la déco chaleureuse pensée par Yoann et sa compagne.

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Avis restaurant Quinze Liège DR Boulettes Magazine

Du bois blond, des murs dont le jaune évoque les palazzos italiens, des livres, des bouteilles, encore un peu de bois, des tissus naturels… Le rendu est très « l’appart de votre pote le plus stylé », mais en mieux : c’est accueillant, extrêmement agréable à contempler en attendant l’arrivée des assiettes, et il y a ce je-ne-sais-quoi en plus qui fait qu’alors qu’à la base, on venait juste pour un plat, on se surprend à commander aussi un apéro et une entrée, histoire de prolonger le moment.

En quête de sens

« C’est marrant, on dirait un peu un resto de femme, mais tenu par un homme » fait remarquer mon compagnon de table, et avant que je puisse lui faire un sermon sur les clichés genrés, tout de même, je croyais que tu étais plus déconstruit que ça, gnignagnignagnignagna, il précise sa pensée, que la suite du repas viendra d’ailleurs confirmer :

« Tout est très intentionnel. On voit que chaque détail a été réfléchi, et il y a beaucoup de douceur qui se dégage de l’ensemble ».

Bon. Dit comme ça.

Et puis c’est vrai qu’outre la déco, la carte de ce Quinze qui revendique sa « cuisine de sens et de sentiments » est en effet elle aussi très intentionnelle : La Ferme de Beauregard pour les légumes, la Ferme de Tabreux pour les viandes, le beurre de Mathot-Sofra, les sirops des Vilaines… Tout les (petits) producteurs locaux avec lesquels Yoann travaille ont une place de choix à la carte, et au vu de la qualité des produits savourés, on comprend qu’il veuille les mettre à l’honneur.

Le jour de notre visite, qui tombe en plein festival Nourrir Liège, Yoann a répondu présent au défi posé par celui-ci de nourrir (les clients de Quinze à) Liège des produits les plus locaux possible, en veillant à minimiser tant que faire se peut le gaspillage alimentaire.

Concrètement, cela veut dire qu’il fait appel aux mêmes producteurs que d’habitude, mais qu’il limite sa sélection à des ingrédients qu’on trouve dans le royaume… Ce qui, en pratique, pose un autre défi : un des deux gourmets de notre tablée a un appétit, disons, compliqué. Or, justement, au menu d’aujourd’hui, il y a trois des aliments qu’il évite, soit des chicons dans les croquettes en entrée, et en plat, du bleu ou du poisson dans les deux plats de pâtes proposés.

Pas le choix, à midi, la carte est ultra limitée, mais ainsi que cette délicieuse pause midi boulevard de la Sauvenière le rappelle, souvent, ce n’est pas tant qu’on n’aime pas un ingrédient que la manière dont on nous l’a préparé auparavant.

De l’art d’être locavore

Dont acte, donc, avec les croquettes de chicon et lardon, au format plus que généreux de balle de golf sous stéroïdes, et au croquant d’autant plus épatant que malgré la cuisine ouverte, aucun relent de friture ne vient empester la salle du restaurant.

Un très (très) bon point, surtout que niveau goût, c’est un sans faute : les croquettes sont tellement gourmandes qu’on en vient à se demander comment la farce généreuse (et élégamment amer) ne fait pas exploser la pâte lors de le cuisson, mais finalement, c’est peut-être juste ça, le talent ?

En tous les cas, c’est délicieux, et très joliment servi avec une salade qui apporte un peu de fraîcheur et d’acidité bienvenues en contraste, le tout rehaussé de jolies fleurs comestibles puisqu’après tout, « on est dans un resto de femme tenu par un homme » (sic).

En plat, on a profité d’être en tête-à-tête pour prendre chacune des deux pâtes à la carte, soit une version au bleu de Gand et l’autre accompagnée d’une marinière de lotte et anguille fumée.

Ici aussi, les portions sont généreuses, la présentation, soignée, et surtout, les goûts sont ultra maîtrisés. Version poissons, les pâtes ont juste ce qu’il faut d’iode pour évoquer le roulis des vagues sans donner le mal de mer, et l’ajout de l’anguille fumée avec maestria est une belle surprise dans ce qui rappelle un peu les vongole mais à la belge.

Version fromage, excellente surprise pour le beau bébé le dîneur au palais exigeant qui m’accompagne, le fromage apporte crémeux et caractère mais sans la moindre note légèrement tourbée qui a tendance à faire se pâmer les mordus de bleu – et à conforter ses détracteurs (ces pauvres hérétiques) dans leur aversion envers le roi du frometon.

Tout ceci est tellement bon qu’on décide de faire fi de notre timing plutôt serré et de se laisser tenter par le dessert du moment, un crumble aux pommes façon Yoann.

Grand bien nous en fait : rehaussé de feuilles de pimprenelle et d’un gel d’égopode préparé par la tante de la compagne du chef, cet épilogue sucré est à la fois canaille et élégant, ce qui n’est pas toujours gagné, et puis tout ce vert, là, ça parvient presque à nous convaincre que c’est tout ce qu’il y a de plus sain.

Pour peu, on recommanderait bien un autre de cet excellent cocktail siroté à l’apéro et pas encore mentionné tant on avait faim de partager le menu avec vous : La Garrigue, préparé à base de gin (avec ou sans alcool), de sirop de lavande et de romarin, est l’été dans un verre.

Mais aussi un très joli clin d’oeil au sud de la France, où Yoann et sa tendre moitié se sont essayés aux fourneaux dans un village déserté avant de poser leurs casseroles dans leur Liège natale.

Et on leur dit merci : soigné, chaleureux et gourmand, ce Quinze est plutôt un dix (sur dix).

Un savoureux sans faute où on se réjouit déjà de retourner, d’autant qu’à 45 euros le menu quatre services en soirée, on aurait bien tort de se priver.

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L’heure tourne, il est (vraiment) temps de reprendre notre journée, et c’est à regret qu’on quitte cet oasis ensoleillé où l’on se sent bien loin de l’agitation du centre. Bon à savoir : si on avait résisté au dessert, on serait sortis de chez Quinze en une heure pile, entrée et plat compris, ce qui est particulièrement appréciable à l’heure de la pause midi.

border collie red merle

Mais visiblement déjà trop long pour notre superbe écureuil géant, qui nous a accueillis en faisant semblant d’être morte pour nous punir de ne pas l’avoir prise avec au resto.

Vive les chiens. Vive la vi(ll)e. Vive la gourmandise !

Quinze

80 boulevard de la Sauvenière, 4000 Liège – +32 494 44 19 01 – XV

Heures d’ouverture : du mercredi au vendredi de 12 à 14 et de 19 à 20 (dernière heure d’arrivée) – Mardi et samedi soir, resto privatisable pour les groupes, sur réservation uniquement

 

 

 

Journaliste pour Le Vif Weekend & Knack Weekend, Kathleen a aussi posé sa plume dans VICE, Le Vif ou encore Wilfried, avec une préférence pour les sujets de société et politique. Mariée avec Clément, co-rédacteur en chef de Boulettes Magazine, elle a fondé avec lui le semestriel SIROP, décliné à Liège et Bruxelles en attendant le reste du pays.